Suggestions de clés de lecture
Après la projection...


1/ Rencontre sensible : échange sur l'ensemble du corpus

Des mots :

Reprendre le corpus éventuellement commencé avant la projection et l’enrichir

  • Poursuivre le travail d’enquête sur les pionniers du cinéma en proposant aux élèves de se remémorer collectivement les différents films du programme et leurs caractéristiques.
  • Mettre sous forme de tableaux, ou en code couleur les points communs.
  • Essayer de faire émerger la manière dont tous les possibles sont investis avec jubilation, parfois un certain désordre (un trop plein) pour une expérimentation de ce nouvel outil qu’était le cinéma à l’époque.


  • Sortie d’usine
    un film de Louis Lumière (France/ 1895 /muet/noir & blanc/ 39 secondes)
    noir et blanc ; prises de vues réelles ; scène du quotidien ; cadrage fixe ; plan d’ensemble ; foule ; mouvement dans le champ de l’image ; courte durée ; muet-absence de sons...


    Attelage d’un camion
    un film de Auguste et Louis Lumière (France/ 1896/ muet/noir & blanc/ 41secondes)
    noir et blanc ; prises de vues réelles ; scène du quotidien ; cadrage fixe ; plan d’ensemble ; chevaux ; mouvement dans le champ de l’image (chevaux se déplacent de gauche à droite en traçant une diagonale); courte durée ; muet-absence de sons...


    Arrivée d’un train en gare de La Ciotat
    un film de Louis Lumière (France/ 1895 /muet/noir & blanc/ 1 minute) noir et blanc ; prises de vues réelles ; scène du quotidien ; cadrage fixe; plan d’ensemble ; un train à vapeur et des voyageurs ; mouvement dans le champ de l’image: le train se déplace de droite à gauche en traçant une diagonale avec effet d’écrasement + la foule se dirige et passe très près de la caméra ; perspective ; courte durée ; muet-absence de sons…


    Le village de Namo
    un film de Gabriel Veyre (France/ 1900/ muet/noir & blanc/ 58 secondes) noir et blanc ; prises de vues réelles; les personnes à l’écran savent qu’elles sont filmées ; documentaire ; caméra en mouvement + mouvement dans le champ de l’image : les personnes viennent vers la caméra; cadrage fixe ; plan d’ensemble ; courte durée ; muet-absence de sons...


    La petite fille et son chat


    Le déshabillage impossible
    un film de Georges Méliès (France/ 1900/muet/ noir & blanc/ 1 mn 52) noir et blanc ; trucages ; transformation ; humour ; jeux de scène ; scénario ; jeu théâtral ; décor ; cadrage fixe ; plan d’ensemble ; nombreux mouvements dans le champ de l’image ; durée un peu plus longue ; musique ajoutée (pas d’époque)…


    Kiriki, acrobates japonais
    un film de Segundo de Chomon (1907/muet/ noir & blanc colorisé/ 2 mn 37) couleurs ; spectacle ; jeu de scène ; scénario ; comédiens ; costumes ; décors avec cadre délimitant l’image comme un tableau ; jeu théâtral ; trucages ; cadrage fixe; caméra en hauteur ; plan d’ensemble ; nombreux mouvements dans le champ de l’image ; durée un peu plus longue ; musique ajoutée (pas d’époque)…


    Fantasmagorie
    un film de Emile Cohl (France/ 1908/ animation/ muet/ noir & blanc/ 1 mn 17)noir et blanc ; dessin animé ; cohabitation dessin animé-prises de vue réelles (mains du dessinateur) ; divertissement ; humour ; transformations ; cadrage fixe; différentes échelles de plan ; nombreux mouvements dans le champ de l’image; compréhension difficile de l’histoire ; courte durée ; musique ajoutée (pas d’époque)...


    Sculpteur moderne
    un film de Segundo de Chomon (1908/ muet/ noir & blanc colorisé/ 6 mn 08)couleurs ; volonté de spectacle avec principe d’accumulation ; magie ; mise en scène ; transformations ; cohabitation animation-prises de vues réelles ; cadre dans cadre ; différentes échelles de plan ; notion de montage ; de nombreux mouvements dans deux profondeurs d’images ; profondeur de champ ; durée plus longue ; musique ajoutée (pas d’époque)…


    Gertie the dinosaur
    (Etats-Unis/ 1914/ muet/ noir & blanc/ prises de vues réelles & animation/16 mn)
    noir et blanc ; scénario complexe, narration en plusieurs temps, progression (une histoire - l’explication de la fabrication d’un dessin animé - l’animation de Gertie); apparition de nombreux cartons pour pallier à l’absence de dialogue. Certains car -tons (durant le dessin animé) ont été dans cette version enlevés et remplacés par une voix off ; humour, burlesque ; notion de montage ; transformation ; prises de vue réelles puis dessin animé; présence d’un générique ; durée beaucoup plus longue…


    The great train robbery
    un film d’Edwin S. Porter et Blair Smith (Etats-Unis/ 1903/ muet/ noir & blanc colorisé/ 12 mn)
    noir et blanc avec touches de couleurs ; un nouveau genre : le western ; scénario abouti et complexe avec plusieurs lieux, des transitions, des personnages ; apparition d’effets spéciaux par des colorisations de détails ; jeux d’acteurs exagérés ; cascades ; costumes ; figurants ; décors naturels et studios ; autre genre de divertissement : violence, drame ; prises de vues réelles ; notion de montage alterné ; durée plus longue...


    Le voyage dans la lune
    un film de George Méliès(France/ 1902/ muet/ noir & blanc colorisé/ 15 mn 39)
    colorisation ; scénario complexe avec plusieurs lieux, transitions, personnages ; effets spéciaux par des colorisations, des costumes, des décors décalés ; film de divertissement ; prises de vues réelles ; univers totalement inventé ; notion de montage enchainé ; trucages ; durée plus longue (14mn) ; musique ajoutée (créée pour la ressortie du film)...

    2/ Rencontre sensible avec l'oeuvre : échange film par film

    Sortie d’usine de Louis Lumière :

    Qui sont les gens qui sortent (se référer au titre du film)? Les tenues vous semblent-elles «logiques» pour des travailleurs? Que pensez-vous de l’attitude des individus à l’écran? Comment savaient-ils où se diriger quand ils sortaient de l’usine ?

    Le but de ce questionnement est de «casser» le caractère «fortuit» de cette vue Lumière et montrer qu’elle est pensée/structurée. Les personnes qui sortent de l’usine Lumière sont des ouvriers (d’abord les femmes travailleuses puis les cadres). Il faut savoir que le film a été tourné 3 fois. Les élèves ont visionné la troisième version qui fut tournée après la messe du dimanche, Auguste Lumière ayant demandé aux employés de revenir. En effet, sur les prises précédentes, ne pouvant tourner que 45 secondes, il n’arrivait pas à obtenir l’action dans son ensemble. Le film est tourné avec une grande profondeur de champ. Aucun ouvrier ne va dans la direction de la caméra ou n’obstrue le champ car ils avaient sûrement des instructions (contrairement aux personnes présentes dans L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat)

    Attelage d’un camion d’Auguste & Louis Lumière :

    Là encore, amener les élèves à comprendre que cette vue Lumière est structurée et qu’elle est peut-être une promotion déguisée.
    Que pensez vous de la construction de l’image ? Où se trouve la caméra d’après vous ? Ces images ont-elles été prises sur le vif ? Pourquoi ? Est-ce que ce film aurait pu avoir une autre utilité que de montrer une scène de vie ? L’image est tout en perspective, l’attelage traverse le champ. La position de la caméra n’est pas improvisée. Les dernières secondes font apparaître le nom «Vautier» sur les pierres taillées, peut-être une publicité déguisée...

    Arrivée d’un train en gare de La Ciotat de Louis Lumière :

    Que dire de la position de caméra (Cf. Attelage d’un camion) ? Pour quel(s) effet(s)? Comment se comportent les personnes à l’écran? Les voit-on de loin? De près? Ces allées et venues sont-elles organisées? Pourquoi?
    L’arrivée du train est spectaculaire grâce au positionnement de la caméra (Cf. cahier de notes page 6-7). Les personnes filmées n’ont pas l’air d’en avoir conscience, elles font ce qu’elles ont à faire sans se soucier de la caméra. Le film a la particularité de présenter de nombreuses valeurs de plan (ensemble, pied, moyen, taille etc.)

    Le village de Namo (Indochine Française) de Gabriel Veyre :

    Quelle est la particularité de cette vue ? Se trouve t-on dans un lieu semblable aux autres vues Lumière?
    Ce film combine deux mouvements : celui des enfants et celui de la caméra. Contrairement aux autres vues prises pour l’essentiel en Europe, la caméra filme ici une autre culture, une autre ouverture sur le monde.

    La petite fille et son chat de Louis Lumière :

    Quelle est la différence avec les autres vues Lumière découvertes jusqu’ici? D’après vous, est-ce que la petite fille sait qu’elle est filmée? A quoi peut-on le voir? Que suggère le retour du chat sur la table quand au tournage de cette vue?
    Contrairement aux autres vues, on est ici dans un contexte plus intimiste, familial. Le cadrage est également plus serré sur les protagonistes. La petite fille a une mission et quand le chat s’en va, on peut tout à fait imaginer qu’une personne le renvoie dans le cadre pour que le film continue. Ces aspects montrent que c’est une mise en scène, par ailleurs la petite fille qui insiste dans son action, joue la comédie.

    Le déshabillage impossible de George Méliès :

    Si vous regardez attentivement le décor, les costumes, où a pu être tourné le film?
    Est-ce une vraie chambre ? Le décor et le jeu d’acteur vous font penser à quelles autres disciplines artistiques ? Dans quelle position le film vous place t-il ? Comment l’effet comique prend-il vie? Est-ce que le ressort comique est toujours le même? S’intensifie t-il ? De quelle manière ? Comprenez vous le fonctionnement du trucage ?

    Kiriki, acrobates japonais de Segundo de Chomon :

    Le décor, les costumes et le jeu d’acteur vous font penser à quelles autres disciplines artistiques que le cinéma? Comprenez-vous le fonctionnement du trucage? Est-ce le même que pour Le déshabillage impossible? Où est placée la caméra d’après vous ?
    Ici aussi on est dans la prestidigitation au coeur d’un faux théatre (cadre). Le trucage vient de la position de la caméra qui est placée au dessus des comédiens et des mouvements de ces derniers.Cf. cahier vert pages 14-15
    Le décor n’est pas stable, il est peint comme un décor de théâtre. Le comédien a l’air d’être sur une scène et le spectateur devant un spectacle dans la lignée de ceux qui ce faisait au théâtre et en prestidigitation à l’époque.
    L’effet comique vient de la situation absurde, de l’accumulation, de l’intensification. Le trucage est assez simple mais toujours spectaculaire Cf. cahier de notes page 15.

    Fantasmagorie d’Émile Cohl :

    Quelle nouveauté apporte ce film ? Devant quelle genres d’images sommes-nous ? Pouvez-vous résumer l’histoire? Y a-t-il un personnage qui revient régulièrement ? Y a t-il seulement des dessins dans ce film ?
    On est ici devant un dessin animé. Les images s’enchainent vite sans réelle histoire commune. Le seul point commun à ces images est le petit personnage et les transformations qu’il provoque. Cf cahier de notes page 13.

    Sculpteur moderne de Segundo de Chomon :

    Le décor et le jeu de d’acteur vous font penser à quelles autres disciplines artistiques et ce par quels éléments ? Dans quelle position le film vous place t- il ?
    Théatre et prestidigitation. Le personnage permanent de la femme agit telle une magicienne, en couvrant et découvrant ses illusions. Là encore, nous sommes dans la position d’un spectateur de théâtre/magie au coeur d’un théâtre.

    Gertie the dinosaur de Windsor Mc Cay:

    Pouvez-vous résumer le film? Tout part d’un pari entre l’auteur/dessinateur et un scientifique. Promettant de faire revivre un dinosaure, l’auteur assume son pari en lui donnant vie par l’animation. Il gagne alors son pari. Le but de cette question est de montrer que contrairement aux films précédents ,Gertie se rapproche des schémas narratifs auquels nous spectateurs (de notre époque ) sommes habitués (situation initiale, évènement déclenchateur, péripéties, résolution.

    The Great Train robbery d’Edwin S. Porter et Blair Smith :

    Pouvez-vous résumer le film ? À quel type de films The Great TR vous fait-il penser ? Avez-vous déjà vu ou lu des oeuvres dans cet univers (Lucky Luke). Quels éléments du film vous permettent de raccrocher le film à cet univers.
    Les bandits accèdent au train en ligotant le chef de gare puis volent le butin du train. Une fille découvre le chef de gare ligoté qui prévient la cavalerie. Celle-ci met fin au rapt des bandits après une poursuite à cheval. Le but de cette question est de montrer que contrairement aux films précédents, le schéma narratif rappelle celui que nous, spectateurs (de notre époque) sommes habitués à voir (situation initiale, évènement déclenchateur, péripéties, résolution).
    L’univers du Western est présent car inspiré d’une «mythologie» du far west qu’on retrouve dans les éléments suivants : bandits à revolver, archétypes de décors, (train, banque, extérieur), archétypes d’accessoires (chevaux, pistolets etc).

    3/ Analyse filmique : analyse des films par corpus

    À l’exception de Fantasmagories, le corpus suit une progression qui permet de regrouper les films (dans l’ordre de diffusion) en fonction de caractéristiques communes. Demander aux élèves de trier puis regrouper les différentes prises de vues selon des critères qu’ils feront émerger (auteur, esthétique, durée, thème). Lorsque c’est possible, trouver, imaginer ce qui a provoqué le passage d’un corpus à l’autre.

    A. La vue Lumière

    Sortie d'usineAttelage d'un camionArrivée en gare de La Ciotat

    Ici, trois vues Lumière aux caractéristiques similaires (durée, recherche du cadre et mise en scène)



    B. La vue et le spectacle

    Le village de NamoLa petite fille et son chat

    Ici, c’est le mot spectacle/divertissement qui caractérise ce groupement, par la recherche du spectaculaire décliné sous trois formes :
    - Le spectaculaire de ce qu’on montre (acrobates)
    - Le spectaculaire de la manière de filmer (image tractée)
    - Le spectaculaire de la comédie (on fait jouer la petite fille et le chat)



    C. Pratiques culturelles, théâtre, magie

    Le déshabillage impossibleKiriki, acrobate japonaisSculpteur moderne

    Ces films ont l’usage de trucages et de l’espace scénique pour parterre commun. Le jeu théâtral des acteurs sert des films qui tiennent plus du tour filmé que du cinéma comme le connaissent les élèves. Cette transposition de la prestidigitation à l’écran fait sens pour un Méliès qui rappelons-le est magicien à la base. Dans leur narration, d’un numéro de scène ou d’un tour de magie (entrée, intensité qui croît, final et sortie de scène après le salut). C’est une série de films qui, pour la comprendre, nécessite de revenir sur les pratiques culturelles de l’époque.



    D. Une même technique pour deux narrations

    FantasmagorieGertie

    Fantasmagorie et Gertie partagent une même technique ; celle de l’animation. Les films divergent cependant sur leur narration. En effet, si Gertie présente une structure classique proche du groupement 5, Fantasmagorie est un déballage graphique, un spectacle permanent qui rappelle les films du groupement précédent. Notons par ailleurs que ces deux films ont pour autre point commun de procéder à une mise en abyme de la projection. Fantasmagorie a pour point de départ un homme gêné par le chapeau d’une dame lors d’une projection. Gertie est -de manière fictive- donnée à voir comme la vision d’une projection de l’animateur à son auditoire de scientifiques.



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